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Parole donnée au professeur Nabholtz
CSV> Vous avez pris vos fonctions en février 2009 comme Directeur de l’oncologie médicale et de la recherche clinique, pouvez-vous nous présenter votre parcours professionnel ?
JMN> Je suis originaire de Bourgogne et j’ai fait mes études de médecine à Dijon. Interne et assistant des hôpitaux universitaires de Dijon puis chef de clinique à la Faculté de médecine de Bourgogne, j’ai validé plusieurs spécialités incluant la médecine interne, l’oncologie et l’oncologie médicale (Paris). J’ai toujours désiré faire de la recherche clinique et j’ai quitté la France en 1989 pour le Canada (Alberta, Provence anglophone à l’Ouest, au pied des montagnes rocheuses). Basé au Cross Cancer Institute à Edmonton de 1989 à 1999, je suis rapidement devenu Chairman du programme cancer du sein pour l’Alberta et Professeur agrégé de cancérologie puis Professeur titulaire de la chaire de cancérologie à l’Université d’Alberta. En 1999, j’ai pris un poste de Professeur de Médecine à l’Université de Californie à Los Angeles (UCLA), USA et ai assuré pendant plusieurs années la Direction du Département de Développement des Thérapeutiques Anticancéreuses ainsi que du Département des Tumeurs Solides au Jonsson Comprehensive Cancer Centre de UCLA. Finalement, pour des raisons personnelles et familiales, j’ai décidé de rentrer en France et ai donc pris ce poste au Centre Jean Perrin.
CSV> Nous savons que vous avez développé des programmes de recherche ciblés sur le développement de nouvelles molécules dans le cadre du traitement du cancer du sein. Pourriez-vous nous en parler ?
JMN> Essentiellement dans 3 domaines :
- En chimiothérapie et principalement sur les Taxanes puisque j’ai dirigé la première étude randomisée d’enregistrement de Taxol dans le cancer du sein (1991-1993) puis le programme de développement global de Taxotère avec 4 études randomisées dont 3 pour l’enregistrement global. Afin d’accélérer le rythme de ces très grosses études comportant chacune des milliers de patientes, j’ai crée en 1995 un groupe global de recherche clinique (Breast Cancer International Research Group : BCIRG) qui représentait en 2003 le plus gros groupe de recherche clinique mondial pour le cancer du sein (800 centres, 42 pays et 5 continents). J’ai participé en outre au développement d’autres chimiothérapies : Capecitabine (Xeloda), Novantrone, Epothilone B….
- En hormonothérapie, j’ai également travaillé sur le développement pivot de nouvelles thérapeutiques hormonales à type Inhibiteurs de l’Aromatase en tant que Chairman de la première étude randomisée phase III d’enregistrement montrant ainsi la supériorité d’une hormonothérapie (Anastrozole) sur le Tamoxifène. Par ailleurs, je suis membre du Steering Committee de l’étude adjuvante ATAC. J’ai en outre travaillé sur le développement du Letrozole en situation métastatique.Et sur les modifications biologiques. En 1999, le découvreur de l’Herceptine, premier modificateur biologique dans le traitement du cancer du sein, m’a demandé de venir en Californie pour l’aider à développer cet anticorps. Cela m’a permis de mettre en place un programme pivot de développement du Trastuzumab en situation métastatique et adjuvante, J’ai en outre participé à l’évaluation de nouvelles thérapeutiques biologiques (agents anti-angiogéniques, inhibiteurs de la tyrosine kinase ciblant HER2 et l’EGFR ou Epithelial Growth Factor Receptor…..) et à l’étude de nouveaux modèles de développement clinique mieux adaptés aux spécificités des nouveaux agents biologiques.
CSV>Vous avez gardé de nombreuses activités internationales mais vous avez décidé de rentrer en France.
JMN> Oui, lorsque j’ai achevé ma mission à UCLA, j’ai souhaité rentrer en France et reprendre une activité dans un Centre de Lutte Contre le Cancer. En effet, je considère ces établissements comme modèle de structures hospitalières intégrées pour la prise en charge des patients porteurs de cancer.
CSV>Pourquoi le Centre de lutte contre le cancer de Clermont-Ferrand ?
JMN> Je connaissais des membres de l’équipe médicale du Centre Jean Perrin avec lesquels j’avais eu des interactions par le passé et j’avais eu, à ces occasions, la possibilité d’apprécier, leurs qualités professionnelles. De plus, sous l’impulsion de son Directeur, le Pr Jacques Dauplat, les Professeurs Frédérique Penault-Llorça, Yves-Jean Bignon, Philippe Cholet et Pierre Verrelle partagent tous une stratégie commune avec des programmes de recherche innovants. De plus, le Centre Jean Perrin est en cours de modernisation et d’expansion majeure de ses locaux permettant une optimisation de la prise en charge des patients atteints de cancer et un développement supplémentaire se son rayonnement tant au niveau régional que national voire international.
CSV>Une question qui intéresse nos lecteurs : comment sont structurés le Département de Médecine Oncologique et la Division de recherche clinique ?
JMN> Actuellement le Département de Médecine Oncologique recouvre 2 étages d’hospitalisation avec 30 lits traditionnels, 20 lits d’hospitalisation de semaine et 30 postes d’hospitalisation de jour.
La réorganisation du service s’est réalisée autour de 3 chefs d’unités supervisant les oncologues médicaux seniors qui en dépendent. Le département travaille avec 10 seniors, 2 chefs de clinique, 7 internes et l’ensemble du personnel soignant.
La restructuration a été réalisée autour des grandes pathologies comme le cancer du sein et les pathologies gynécologiques qui représentent 40 % de l’activité mais aussi une re focalisation sur d’autres types tumoraux : tumeurs cérébrales, ORL, gastroentérologie, hématologie, urologie, sarcomes… Il faut souligner également la coopération exemplaire qui existe entre le Département et plusieurs services du CHU afin d’assurer une prise en charge harmonieuse des patients atteints de cancer. .
En Amérique du Nord, j’ai travaillé dans des structures multi-sites (en particulier à Los Angeles avec plus de 60 sites) avec intégration et harmonisation de la prise en charge des patients permettant l’optimisation des soins et l’accès pour un maximum de patients à des programmes de recherche innovants. Suivant ce type de stratégie, nous pourrions donc envisager pour l’avenir de la cancérologie en ’Auvergne, un système d’intégration d’un certain nombre d’unités. Dans cette optique, depuis le 7 juillet 2009, le service d’onco-hématologie du Centre Hospitalier de Montluçon a été repris conjointement par le Centre Jean Perrin (moi-même pour l’oncologie médicale) et par le CHU (Pr. Jacques-Olivier Bay pour l’hématologie). Cela a amené à la signature récente d’un contrat cadre de longue durée entre le Centre Hospitalier de Montluçon, Le Centre Jean Perrin et le CHU sous l’égide de Monsieur le Préfet et le Directeur de l’ARH. Le suivi et l’évaluation seront réalisés par l’ARH et les différentes structures impliquées. Ainsi, à l’heure actuelle à Montluçon, les malades atteints de pathologies cancéreuses et hématologiques ont accès à des soins strictement équivalents à ceux du Centre Jean Perrin et du CHU et peuvent d’ores et déjà avoir accès à des programmes de recherche et des essais cliniques sur des médicaments innovants, tout en restant dans la majorité des cas, à, proximité de leur domicile et famille.
CSV>Quelle doit être la définition de la prise en charge pour tout malade avec les pathologies cancéreuses ?
JMN> Une prise en charge avec des soins optimaux car la cancérologie est maintenant adaptée et individualisée. Cette qualité de prise en charge entraîne des économies potentielles : des examens bien ciblés donc non redondants ou inutiles, des indications thérapeutiques précises, affinées en fonction de l’individu, de la tumeur, de l’analyse biologique et génétique…. Des malades bénéficiant de la recherche clinique avec des études de haut niveau avec enregistrement et ont ainsi accès à des thérapeutiques fournies et innovantes.
CSV>Les malades de votre département peuvent bénéficier ainsi de la recherche clinique avec une extension au bassin de Montluçon cette année et probablement à d’autres structures de la Région pour l’avenir.
JMN> L’extension et l’intégration de nos activités de prise en charge des malades et de la recherche clinique au Centre Hospitalier de Montluçon est potentiellement une première étape régionale. Cependant, il convient de se donner un peu de temps afin d’évaluer sur tous les plans les avantages et inconvénients d’une telle stratégie. Bien entendu, en cas de bilan positif, il pourrait être envisageable d’étendre ce système à d’autres structures régionales afin d’assurer un accès aux soins cancérologiques optimal et égal pour tous les patients en Auvergne. Ceci représente d’ailleurs un objectif majeur du Plan Cancer 2, présenté fin 2009 par Monsieur le Président de la République.
CSV>Je vous remercie de m’avoir accordé cet entretien qui va permettre à nos lecteurs de vous connaître et de comprendre encore davantage combien les hommes et les techniques innovantes sont en marche pour lutter contre le cancer en Auvergne .Je vous laisse conclure ?
JMN> La prise en charge des malades et la recherche du Centre Jean Perrin doit correspondre pour ses acteurs à une recherche de stratégies communes et innovantes. Je pense que le Centre est bien armé pour faire face aux défis de la cancérologie moderne. Nous allons vers une individualisation des traitements aux spécificités biologiques tumorales de chaque patient. Cette approche demande des compétences particulières en terme de diagnostic clinique, anatomo-pathologique et moléculaire ainsi que des compétences de plus en plus spécialisées pour définir des stratégies thérapeutiques claires et individualisées, donc sur mesure pour chaque patient. Seule une telle approche intégrée peut garantir l’excellence des soins, le développement de l’innovation tout en restant conscient des impératifs économiques afin de nous permettre de continuer d’assurer pour le présent et le futur une prise en charge optimale du cancer en Auvergne..
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