Parole donnée au professeur Bignon ...
Au Centre de lutte contre le cancer de la région Auvergne, le docteur Catherine Simon-Voldoire a rencontré, pour PSA, le Professeur Yves-Jean Bignon, chef de service du département d’oncogénétique.
CSV > Merci de nous recevoir. Une première question : qu'est-ce que l'oncogénétique ?
YJB > L’oncogénétique est la prise en charge des personnes et des familles de malades qui ont un risque héréditaire de cancer.
L’oncogénétique a eu vingt ans cette année. Nous avons été à Clermont-Ferrand les pionniers en 1988 en France, suivis ensuite par Lyon et Paris.
CSV > Comment s'organise l'oncogénétique ?
YJB> Un réseau français a été crée en 1991, qui a permis de développer cette activité et la formation médicale dans les grandes villes. Nous avons actuellement une cinquantaine de consultations en France.
Au plan économique, le financement a été réalisé au départ par la Ligue contre le cancer puis le Ministère de la Santé en 2002 et actuellement, depuis le plan Cancer, par l’INCA (institut national du cancer).
CSV > Comment est organisé votre département ?
YJB> Il est organisé autour de 2 activités clés : la consultation et le laboratoire de diagnostic. L’activité d’oncogénétique est une pratique médicale à part entière, entièrement financée par l’INCA, elle ne bénéficie donc pas de financement par les caisses et il n’y a pas d’acte inscrit à la nomenclature. Chaque année, un rapport annuel est transmis à l’INCA. Ce dernier Iabellise les consultations et les laboratoires de diagnostic.
CSV > Combien de laboratoires et de consultations en France ?
YJB> Il y a une cinquantaine de consultations et environ 25 laboratoires en France.
CSV > Comment est organisée la consultation ?
YJB> Nous sommes 2 médecins et, là aussi, la pluridisciplinarité est nécessaire avec un psychologue clinicien, un conseiller génétique et un secrétariat. Actuellement, nous suivons 2 700 familles ce qui représente environ 150 000 personnes. Souvent il s’agit d’une démarche spontanée de l’un des membres de la famille. Il est rare que la personne soit envoyée par son médecin traitant et nous le déplorons.
Le premier membre de la famille a pour mission d’informer les autres membres de sa famille avec des documents qui lui sont remis.
Donc, au départ, il s'agit une démarche individuelle qui deviendra familiale.
Le travail en réseau nous permet de rapprocher les services d’oncogénétique des familles.
CSV > Lors de la consultation et l'attente des résultats, on imagine que cela doit véhiculer une certaine angoisse.
YJB> Il faut rappeler que la transmission est autosomique dominante, donc dans 50 % des cas, on pourra leur annoncer qu’ils ne sont pas porteurs de ce risque. Pour les 50 % ayant un risque, le résultat ne fait que confirmer une perception familiale que le consultant avait ; de plus, cette consultation débouchera sur un dépistage approprié et programmé, avec éventuellement des mesures de prévention dont le consultant n’aurait pas bénéficié autrement.
Il y a 5 à 10 % des cancers qui ont une origine génétique et ce, pour tous les cancers.
L’activité en Auvergne croît et comme nous le disions à l’instant, l’oncogénétique améliore la survie et la qualité de la prise en charge.
CSV > Vous avez parlé de multidisciplinarité, pourriez-vous nous en dire plus ?
YJB> Oui, le généticien médical est un pivot mais notre démarche rejoint celle du médecin traitant et des différents médecins spécialistes avec une équipe : psychologue, conseiller génétique…
Des réunions de concertation pluridisciplinaire (RCP) d’oncogénétique permettent de discuter de situations particulières ou difficiles (chirurgie préventive par exemple)..
Il s’agit d’une discipline jeune avec une notion d’innovation et de recherche à intégrer dans notre pratique quotidienne, nous sommes loin de tout connaître.
Nous avons besoin d’outils diagnostiques plus pointus et performants et nous avons encore pour beaucoup de situations une absence de réponse diagnostique moléculaire.
CSV > Nous avons entendu qu'existait une plate-forme «GINA» en Auvergne. Qu'est-ce ?
YJB> GINA pour Génotypage Intensif en Auvergne. C’est une unité fonctionnelle du centre Jean Perrin constituée d’un pyroséquenceur à très haut débit et de l’ensemble des matériels et robots nécessaires à son fonctionnement : cette plate-forme technologique a été la quatrième en France et la première dans un établissement médical.
Ce plateau technique a été financé grâce au concours des collectivités territoriales d’Auvergne qui se sont fortement impliquées. Il permettra de diminuer les coûts diagnostiques et les délais d’analyse. En 2009, la diminution des délais de résultats nous permettra de passer à moins de 1 mois contre 6 à 12 mois actuellement.
CSV > En conclusion, quels sont les messages clés que vous aimeriez faire passer à nos confrères et aux professionnels de santé qui nous lisent ?
YJB> > Deux messages clés :
- Les médecins traitants doivent nous envoyer tout sujet à risque ayant eu trois ou quatre cancers dans leurs familles, d'autant plus s'ils sont jeunes.
- Ne pas nous envoyer en consultation ces sujets à risque élevé de cancer nous empêche de faire le dépistage et/ou les mesures de prévention nécessaires à l'avenir de ces patients et de leurs familles.
 |