N° 27 - Juin 2007
 



Parole donnée au docteur Thierry Orliaguet

Dans le numéro de mai de PSA, nous évoquions la mise en place du stage actif d’initiation pour les étudiants de 6ème année en odontologie. Afin d’en connaître un peu plus les modalités, nous avons sollicité monsieur le professeur Thierry Orliaguet, doyen de l’UFR d’odontologie de Clermont-Ferrand, qui a bien voulu nous accorder une entrevue.

PSA > Monsieur le doyen, merci de nous recevoir et de nous consacrer un moment pour répondre à nos questions. Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste ce stage actif professionnel ?

Pr TO > Il se déroule au cours de la 6ème année et a une durée minimum de 200 heures.
A ce jour, la seule référence existante concernant ce stage d’initiation est la convention de stage, parue au JO de mars 2007. Les UFR d’odontologie devront le mettre en place dès la rentrée de septembre 2007. En l’état actuel, et si l’on se réfère au texte de cette convention, l’organisation du stage dépend du libre arbitre des participants (doyen, directeur du CHU, chirurgien-dentiste tuteur).
Dans les faits, l’UFR de Clermont-Ferrand est très bien placé au niveau national pour la mise en place de ce stage actif puisque depuis plus de 10 ans nous avons  instauré et évalué des stages d’initiation professionnels, ce qui n’est pas le cas d’autres facultés. Ce projet a été porté et structuré au sein de l’UFR par le docteur Bernard Chaumeil et son équipe. Grâce à cette antériorité et à cette expérience, nous disposons aujourd’hui aussi dans la région d’un vivier de potentiels maîtres de stage.
Le stage actif qui sera mis en place à la rentrée est obligatoire pour valider la 6ème année (3ème cycle court) des études d’odontologie (T1).

PSA > Pouvez-vous nous rappeler les modalités du cursus universitaire mis en place à partir de 1994 ?

Pr TO > Le cursus suivi par la plupart des étudiants (95 %) est celui du 3ème cycle court, soit 6 années d’études suivies d’une thèse d’exercice.
L’étudiant, dès la 5ème année et après validation du CSCT (Certificat de synthèse clinique et thérapeutique) peut effectuer des remplacements. Ils ne sont ni obligatoires, ni validants.

A partir de la 5ème année, les étudiants peuvent choisir de s’orienter vers un internat de 3 ans, non qualifiant. En fin d’internat, ils peuvent faire le choix d’un exercice libéral «ciblé» avec une orientation en implantologie, ou en chirurgie buccale par exemple, ou, comme c’est le cas la plupart du temps, vers une activité de praticien hospitalier ou hospitalo-universitaire pour 60 % d’entre eux.
Précisons que l’internat ne concerne que 30 étudiants sur 1000 par an sur l’ensemble du territoire. Il serait souhaitable que cette orientation puisse évoluer vers une spécialisation, comme c’est le cas pour les médecins et par exemple, vers la chirurgie buccale.

PSA > Quel est le statut de l’étudiant et sa rémunération durant ce stage actif ?

Pr TO > Entre la 4ème et la 6ème année, l’étudiant est salarié de l’hôpital. Ce dernier a donc un droit de regard légitime sur l’activité de l’étudiant au sein du centre hospitalier et sur le déroulement du stage actif. Concrètement, l’étudiant continue de percevoir son salaire hospitalier durant le stage actif chez le chirurgien-dentiste. Il peut également éventuellement recevoir une gratification de la part du maître de stage.

PSA > En pratique, quel est le contenu du stage ?

Pr TO > Si on se réfère au texte de la convention, l’étudiant est habilité à accomplir les actes courants de chirurgie dentaire. Il est souhaitable que le tuteur et l’étudiant développent une relation de partage professionnel, sorte de « compagnonnage ».L’étudiant n’est pas un remplaçant, mais un stagiaire à former. Et ceci demande de la part du chirurgien-dentiste une véritable implication et de la motivation. Il lui faudra être présent au cabinet lors de la réalisation des soins bucco-dentaires par l’étudiant. De même, il serait plus profitable que le stage se déroule en continu pour être vraiment constructif au niveau clinique et relationnel…
Précision importante au niveau des responsabilités : le chirurgien-dentiste doit contracter une assurance dans le cadre de ce stage actif pour l’activité de l’étudiant et en informer le directeur du CHU.

Rappelons que les étudiants doivent au cours de la sixième année, en plus de ce stage actif, suivre leurs cours, effectuer l’ensemble de leurs stages, passer les examens, assurer les urgences et soigner leurs patients à l’hôpital. La gestion et la coordination complexes de ces taches se révèle être un casse-tête dont l’ensemble des intervenants doit prendre la mesure.

PSA > Sur quels critères est basée la validation du stage actif ?

Pr TO > L’équipe du docteur Bernard Chaumeil a élaboré un carnet de stage très complet qui sera rempli par le maître de stage. Tous les actes pratiqués par l’étudiant sont notés sur ce carnet. Au final, le stage est validé par le doyen sur proposition du chirurgien-dentiste maître de stage. Ce partenariat est essentiel pour une évaluation équitable et fondée.

Il est important que le tuteur perçoive la motivation de sa démarche par rapport à la faculté et à l’étudiant. C’est une véritable implication idéologique, il accompagne l’étudiant afin de lui transmettre son savoir-faire tout en sachant éventuellement se remettre en question. Il devient un partenaire complémentaire de l’enseignement universitaire. Par ce biais, la faculté ouvre ses portes aux praticiens traitants.

PSA > Comment devient-on maître de stage ?

Pr TO > Il suffit de faire part de sa candidature au doyen de la faculté d’odontologie. Les demandes sont alors transmises au conseil de l’ordre départemental qui donne un avis en retour. L’étudiant affiche son choix par rapport à la liste des tuteurs.

Nous avons mis en place suite à la parution de la convention de stage une expérimentation avec 7 de nos étudiants. Ceci doit nous permettre de créer un cahier des charges pour préparer et finaliser les 50 stages actifs de la rentrée.
A Clermont-Ferrand, nous souhaitons que les tuteurs ne soient pas enseignants à l’UFR afin de préserver l’objectivité de l’évaluation du stage actif.

PSA > Vos vœux pour l’avenir de la profession ?

Pr TO > On aimerait que soient correctement valorisées la prévention et la dentisterie non invasive. A l’instar de ce qui se passe dans les pays nordiques où l’approche préventive du patient est très valorisée…et le manque de prévention sanctionné financièrement….(avec, par exemple, une prise en charge moindre sur certains actes quand le bilan annuel n’a pas été fait …) . En France, de multiples dispositifs sont mis en place pour la prévention : par les facultés d’odontologie, l’UFSBD, expérimentation en partenariat avec les Caisses primaires, l’Urcam, etc.
Reste le problème de la prise en charge de certains actes dentaires, mais aussi celui d’une véritable éducation à la santé du patient qui doit être informé des évolutions et des possibilités de soins qui s’offrent à lui….et pourquoi pas par l’intermédiaire des médias et de campagnes d’informations grand public….ce fut le cas il y a quelques années pour les implants ou le blanchiment.
On peut aussi imaginer que si l’implantologie se pratique de plus en plus, son coût pourrait diminuer (par une compétitivité accrue entre fabricants) et qu’elle deviendra alors accessible financièrement à plus de patients…qui bénéficieront du confort d’une prothèse fixée au lieu d’une prothèse amovible ??
A noter aussi la forte féminisation des professions médicales de ces dernières années (70 % pour l’odontologie).Ceci impactera les futures installations de cabinets libéraux et probablement les modes d’exercice des praticiens.
Les cabinets dentaires ont de nos jours des charges financières importantes et des obligations de fonctionnement contraignantes…Comment alors passer du temps sur la prévention, l’apprentissage de l’hygiène dentaire qui sont peu ou pas rétribués ?
C’est de là qu’est née la réflexion professionnelle sur le métier d’hygiéniste dentaire….qui serait une délégation de certains actes pratiqués par le chirurgien-dentiste : la motivation, le brossage, le détartrage…et pourquoi pas un bilan carieux par la prise de clichés radiologiques avant une éventuelle orientation vers un chirurgien dentiste ? Ce serait peut-être aussi une démarche plus facile pour le patient ? C’est le système adopté par les pays d’Europe du nord…avec une très nette diminution de la carie…et du nombre de chirurgiens dentistes….(à terme, serait-il nécessaire d’augmenter le numerus clausus des chirurgiens dentistes sortants ?).
Notre exercice de chirurgien-dentiste est donc amené à changer progressivement, à évoluer avec l’apprentissage de nouvelles techniques, mais aussi avec une demande de soins plus informée de la part nos patients…Évolution obligée, mais pas subie.

PSA > Mr le doyen, merci de nous avoir reçu et d'avoir pris du temps pour répondre à nos questions. Souhaitons que PSA fasse un peu mieux connaître le métier de tuteur de stage parmi nos lecteurs et vous amène des recrues supplémentaires et motivées.

UFR d'Odontologie
11, bd Charles de Gaulle
63000 Clermont-Ferrand
http://webodonto.u-clermont1.fr
ufr-odontologie@u-clermont1.fr

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