Parole donnée au professeur Michel Canis
L’endométriose se définit comme la présence de tissu endométrial hormonodépendant comportant à la fois des glandes et du stroma en dehors de la cavité utérine.
Une pathologie entraînant des douleurs pelviennes et parfois responsable d’hypofertilité.
Le professeur Michel Canis, gynécologue-obstétricien à la Polyclinique de l’Hôtel-dieu de Clermont-Ferrand a accepté de rencontrer le docteur Catherine Simon-Voldoire. Lors d’une soirée au CICE (Centre international de chirurgie endoscopique) de Clermont-Ferrand en 2006, le professeur Canis avait présenté une étude en cours : «Auvergne-endométriose» avec actuellement plus de 300 femmes incluses.
Dr CSV > Lors de votre présentation de juin 2006, j’ai été étonnée par le chiffre de l’incidence de l’endométriose qui est d’environ 10 % des femmes en âge de procréer. A-t-on constaté une augmentation de cette pathologie ces dernières années et si oui quelles en sont les raisons ?
Pr MC > Effectivement, l’incidence en France peut être estimée à 10 % chez les femmes en période d’activité génitale. Son augmentation en dehors d’un diagnostic mieux réalisé est lié à l’évolution du mode de vie des femmes : un des facteurs de risque correspond au nombre de cycles (ou plus exactement de règles) or les femmes ont maintenant des enfants plus tard. Les femmes ou jeunes filles consultent davantage mais encore souvent trop tard. Le concept que les règles sont douloureuses reste une notion traditionnelle dans notre société ce qui explique l’auto éducation à la tolérance de douleurs durant les règles.
Les différentes études concernant l’endométriose montrent que le diagnostic est réalisé en moyenne avec 6 à 10 ans de retard. Lors du diagnostic, les formes sont parfois sévères avec nécessité de traitement chirurgical complexe.
Pour ces femmes l’impact psychologique est souvent important avec perte de confiance et un certain sentiment de dévalorisation.
Dr CSV > Comment doit se faire le diagnostic ?
Pr MC > En premier lieu par l’interrogatoire puis par un examen clinique correct.
Le caractère cyclique de la douleur (dysménorrhée, douleur à la défécation, signes urinaires) est à lui seul évocateur d’endométriose. De même la dyspareunie profonde aggravée à certaine période du cycle est un signe très évocateur.
L’examen physique pelvien peut retrouver des éléments importants riches pour le diagnostic en particulier l’inspection de l’aire rétro cervicale lors de l’examen au spéculum et le toucher vaginal du cul de sac postérieur qui perçoit une zone dure et déclenche souvent une douleur proche de celle ressentie pendant les rapports.
Pour les dysménorrhées primaires de la très jeune fille, l’examen complémentaire à réaliser est une échographie.
Cette échographie va permettre d’éliminer des pathologies sévères telles que :
- une malformation,
- une tumeur maligne des ovaires,
- un endométriome.
Par contre, la coelioscopie n’est pas préconisée en première intention.
Dr CSV > Quel traitement pour les endométrioses douloureuses ?
Pr MC > Le traitement de première intention peut être un traitement médical hormonal afin d’obtenir une aménorrhée. Le traitement médical a un effet suspensif sur les douleurs et la maladie. L’utilisation de ces traitements doit se faire selon les schémas définis par l’AFSSAPS en 2005.
Une prise en charge psychologique peut avoir sa place. Mais les traitements médicaux sont tous contraceptifs et ils ne sont pas acceptables chez les patientes infertiles.
Dr CSV > Et la chirurgie ?
Pr MC >…La chirurgie est le seul traitement curatifs des lésions induites (kystes ovariens ou nodules) par l’endométriose. En pratique elle est souvent un traitement de première intention. En effet la coelioscopie qui permet le diagnostic permet aussi le traitement de la maladie dans la grande majorité des cas.
Chez les patientes qui ont des lésions infiltrantes cliniquement évidentes. La chirurgie est indispensable si les lésions concernent l’uretère, si les traitements hormonaux ne sont pas efficaces sur les douleurs. De même, il est souvent indispensable d’opérer les patientes qui ont un désir de grossesse. Si le traitement hormonal est efficace, on peut le poursuivre, mais une surveillance clinique stricte est nécessaire. Bien souvent les patientes sont finalement opérées car les douleurs reprennent à l’arrêt du traitement médical.
Dr CSV > Quelle prise en charge pour une femme qui présente des douleurs à l’arrêt du traitement hormonal avec infertilité?
Pr MC > Dans le cadre du bilan d’une infertilité, la coelioscopie s’impose si l’examen clinique et/ou échographique sont en faveur d’une endométriose.
La coelioscopie est l’examen diagnostique de référence car il permet de visualiser l’endométriose mais elle a aussi ses limites car certaines lésions peuvent être méconnues ou difficile à voir (exemple des lésions sous péritonéales profondes). Pour éviter cela, la coelioscopie doit être guidée par les données de l’interrogatoire, elle doit comporter un toucher vaginal et un toucher rectal sous contrôle coelioscopique.
Dr CSV > Quels sont les autres examens complémentaires à réaliser ?
Pr MC > L’imagerie de l’endométriose nécessite des opérateurs entraînés avec des cahiers des charges précis : échographie pelvienne avec écho endovaginale (ovaires, espace rétro cervical et en avant de l’utérus…), cartographie des lésions si IRM en préopératoire, éventuellement écho endoscopie rectale… L’imagerie des endométriomes est facile, l’imagerie des lésions profondes de la cloison rectovaginale est difficile. Il faut savoir que l’IRM est opérateur dépendant. Sa prescription devrait être réservée aux gynécologues chirurgicaux.
Dr CSV > Quelles sont les perspectives d’avenir ?
Pr MC > La recherche actuelle s’oriente sur un diagnostic non chirurgical qui serait réalisé grâce à une biopsie de l’endomètre. On sait que l’endomètre des patientes malades est différent de celui des femmes indemnes de la maladie. Mais ce test doit permettre aussi le diagnostic des formes minimes et doit être utilisable chez les patientes qui prennent une contraception ou qui ont des fibromes. Ces situations sont très fréquentes et peuvent être associées à l’endométriose. Ces aspects sont actuellement en cours d’étude. La grande question pour les patientes est aussi de savoir si oui ou non l’endométriose est une maladie chronique. Pour cela nous avons initié un registre auvergne de l’endométriose ou sont incluses toutes les patientes traitées pour la première fois dans notre région. Le but est de les suivre le plus longtemps possible pour savoir si cette maladie est vraiment un problème récurrent ou si il ne représente qu’un moment dans la vie de ces femmes. Pour mener à bien ce projet nous collaborons avec tous les autres gynécologues de la région, mais nous avons besoin de l’aide de tous !
Dr CSV > Je vous remercie pour cet entretien car en vous entendant on réalise combien cette pathologie a été certainement négligée J’espère que cet échange que nous allons relayer sur PSA permettra de sensibiliser nos confrères et autres professionnels de santé à cette pathologie afin qu’elle ne soit plus tue par les femmes
Votre action permet certainement sa médiatisation.
Que pouvez vous rajouter ?
Oui cette maladie est de mieux en mieux médiatisée. La troisième semaine européenne de prévention et d'information sur l'endométriose a eu lieu du 5 au 11 mars 2007. Une présentation a eu lieu le 28 mars au Parlement européen : « endométriose en Europe » dans le but de sensibiliser les députés européens à l’importance de ce problème et aider à ce que l’Europe participe au financement de la recherche dans ce cadre.
Pour l’Auvergne je participerai prochainement à une manifestation avec la ligue nationale de basket et à une interview sur Clermont première. Ces évènements sont organisés par la Fondation de l’avenir qui participe au financement d’un de nos programmes de recherche.
Consultez la présentation par le¨professeur Michel Canis de l’étude : «Auvergne-endométriose»
Pour en savoir plus consultez :
- Les référentiels pour l’endométriose :
- Des sites ressources :

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